L’instabilité fonctionnelle chez l’athlète hypermobile

De nos jours, nous relâchons rapidement les muscles avec diverses techniques de mobilisation des tissus mous. Qu’il s’agisse de pistolets de massage, de “foam rolling”, ou de ventouses, les gens semblent toujours vouloir «relâcher» quelque chose. Mais tout le monde n’a pas forcément des raideurs ou des tensions musculaires. Qu’en est-il de l’athlète hypermobile? Comment intervenez-vous auprès de celui-ci? De quel type de travail de mobilité a-t-il besoin? Il ressent souvent le besoin de relâcher ses muscles et en tire un certain soulagement, mais est-ce vraiment la meilleure solution pour lui?

L’instabilité fonctionnelle est une complication commune de l’hypermobilité articulaire et la plupart des interventions se concentrent sur le renforcement des muscles qui traversent l’articulation touchée. Cependant, les déficits proprioceptifs et la diminution du contrôle neuromusculaire ont un impact beaucoup plus important sur l’instabilité que la force.

Si vous observez une instabilité fonctionnelle chez un athlète hypermobile, votre intervention doit se concentrer sur la proprioception, le contrôle du mouvement et la conscience, ainsi que sur la force.

 

EXPLORER LES TERMES

Les termes hypermobilité et laxité sont souvent utilisés de manière interchangeable. La laxité fait référence à l’amplitude de mouvement passive d’une articulation et différentes personnes ont différents degrés de laxité. Il est important de noter que la laxité est normale et ne pose pas toujours de problème. On pourrait considérer les termes laxité et hypermobilité comme quantitatifs. Une personne qui a plus de laxité ou qui est hypermobile a une plus grande amplitude de mouvement disponible au niveau de l’articulation.

L’individu avec plus de laxité ou hypermobile peut moins compter sur le système de stabilisation passive: ligaments, capsule articulaire, labrum, pour stabiliser l’articulation. Il nécessite un système de stabilisation dynamique plus efficace, celui-ci étant le système neuromusculaire. Ce système de stabilisation dynamique offre une stabilité fonctionnelle.

La laxité ou l’hypermobilité peut  entraîner une instabilité si l’individu est incapable de stabiliser dynamiquement l’articulation pour un contrôle et un mouvement appropriés.

 

MANIFESTATIONS DE L’HYPERMOBILITÉ

Alors que certaines personnes ont naturellement plus de laxité, il existe également plusieurs troubles génétiques du tissu conjonctif qui entraînent une hypermobilité tels que le syndrome d’Ehlers-Danlos, le syndrome de Loey’s-Dietz et le syndrome de Marfan.

Le plus souvent, vous serez davantage confronté à une hypermobilité traumatique, suite à une blessure à une articulation ou à des structures articulaires comme une luxation ou une subluxation de l’épaule, par exemple.

Vous pouvez également rencontrer une instabilité occulte, qui est courante chez les haltérophiles (haltérophilie Olympique) qui ont des épisodes répétés de subluxation ou de quasi subluxation sans traumatisme. Les athlètes ne sont pas conscients de ce mouvement excessif au niveau de l’articulation jusqu’à ce qu’il en résulte une certaine usure et éventuellement des douleurs.

Le Dr Shirley Sahrmann déclare que «le résultat d’une articulation qui se déplace plus facilement dans une direction spécifique est le développement au fil du temps d’une hypermobilité du mouvement accessoire ou de micro-instabilité».

 

Le mouvement suivra toujours le chemin de moindre résistance

 

résultant en une direction susceptible de mouvement spécifique . Les biais de mouvement d’extension et de flexion de la colonne lombaire ne sont qu’un exemple de cela, et j’en discute dans mon article (article en anglais) Avoid Low Back Pain with the Right Training Plan.

L’INSTABILITÉ FONCTIONNELLE

Les lésions des structures articulaires entraînent une désafférentation. Les mécanorécepteurs articulaires périphériques chargés de transmettre des informations afférentes sur le mouvement articulaire (kinesthésie) et le sens de la position (proprioception) sont endommagés et affectent l’influx sensoriel et donc, la réponse motrice.

Il peut également exister des déficiences proprioceptives chez les personnes atteintes de syndromes d’hypermobilité ou qui ont des niveaux plus élevés de laxité articulaire, bien que les mécanismes exacts derrière cela nécessitent des études plus approfondies. Dans tous les cas, un individu hypermobile auparavant asymptomatique qui s’adonne dans une nouvelle activité nécessitant de travailler dans des amplitudes de mouvement extrêmes pourrait rencontrer des difficultés. Prenons l’exemple d’une personne auparavant sédentaire qui s’adonne au CrossFit, un sport très exigeant pour les épaules. Ceux qui n’ont pas une mobilité optimale auront du mal, tout comme ceux qui ont une mobilité excessive qu’ils doivent maintenant contrôler pendant la levée de charges.

Le contrôle neuromusculaire est la réponse efférente (motrice) aux diverses informations sensorielles fournies sur le mouvement et le sens de la position articulaire. Les perturbations de la proprioception entraînent une diminution du contrôle neuromusculaire, ce qui conduit à son tour à une instabilité fonctionnelle. Tel que mentionné précédemment, nous pouvons définir l’instabilité fonctionnelle comme étant une incapacité à stabiliser de façon dynamique l’articulation pour un contrôle et un mouvement appropriés.

Quatre éléments cruciaux sont nécessaires pour restaurer la stabilité fonctionnelle:

1- Sensation proprioceptive et kinesthésique

2- Stabilisation articulaire dynamique

3- Contrôle neuromusculaire réactif

4- Patrons moteurs fonctionnels

 

SENSATION PROPRIOCEPTIVE ET KINESTHÉSIQUE

Les mécanorécepteurs périphériques des articulations sont chargés de transmettre des informations afférentes sur le mouvement articulaire (kinesthésie) et le sens de la position (proprioception). C’est là que certaines techniques de mobilisation de tissus mous pourraient réellement profiter à l’athlète hypermobile. Par exemple, la mobilisation des tissus mous à l’aide d’instruments appliquée avec des mouvements rapides peut stimuler la proprioception.  Pour une blessure à la cheville, stimuler les récepteurs cutanés de la surface plantaire du pied est une bonne stratégie, car le pied transmettra des informations sensorielles importantes qui contribueront à la stabilité fonctionnelle de la cheville.

La traction et la compression articulaires stimulent également les mécanorécepteurs articulaires, de sorte qu’une légère traction intermittente ou une mise en charge de l’articulation est une bonne stratégie pour augmenter l’influx proprioceptif. C’est pourquoi les exercices de chaîne cinétique fermée sont souvent utilisés pour la réadaptation des épaules. D’une part, ils fournissent une compression de l’articulation pour une proprioception accrue et d’autre part, ils préviennent la translation excessive de la tête humérale, ce qui peut être important dans les premières phases de la réadaptation.

Cela dit, les exercices de chaîne cinétique ouverte sont très utiles pour créer une prise de conscience. En cas d’hypermobilité de l’épaule, en particulier pour l’instabilité occulte ou le glissement huméral antérieur excessif (Sahrmann), j’aime utiliser des exercices de contrôle de rotation interne et externe. Ici la tête de l’humérus est soutenue antérieurement, un support qui fournit également une rétroaction sur le mouvement à contrôler:

 

STABILISATION ARTICULAIRE DYNAMIQUE

La stabilisation dynamique implique une coactivation préparatoire agoniste-antagoniste pour anticiper et réagir aux contraintes articulaires. L’efficacité de la coactivation permet une meilleure répartition des forces pour réduire à la fois la contrainte appliquée aux structures statiques et le mouvement excessif de l’articulation. Les mêmes exercices cinétiques à chaîne fermée qui stimulent la proprioception articulaire fonctionnent également pour restaurer la stabilité dynamique. Ils peuvent être progressés pour impliquer l’équilibre et/ou une composante pliométrique:

Équilibre:

Pliométrie:

 

CONTRÔLE NEUROMUSCULAIRE RÉACTIF

Les exercices réactifs doivent impliquer des perturbations articulaires imprévues afin de faciliter l’activation des muscles réflexes. Bien que nous avons l’habitude de travailler avec l’équilibre et les surfaces instables (BOSU, ballons de stabilité, etc.) pour la stabilisation dynamique afin de stimuler la réponse musculaire réactive, les perturbations articulaires non anticipées sont importantes pour réduire le temps de réponse requis pour réagir aux contraintes articulaires inattendues. Cela nécessite des perturbations beaucoup plus rapides et imprévues. Lorsque vous placez vos mains sur un BOSU ou un ballon de stabilité, vous anticipez  déjà l’instabilité que cela va générer.

Si nous nous en tenons à notre exemple d’épaule, créer une perturbation en position au-dessus de la tête est un bon moyen d’améliorer le contrôle neuromusculaire réactif:

 

PATRONS MOTEURS FONCTIONNELS

L’objectif ici est le rétablissement de la stabilité fonctionnelle dans des mouvements spécifiques. C’est où vous placez généralement vos variations d’exercices (régressions et progressions) et manipulez l’intensité pour ramener l’individu à la pleine performance. Les exercices doivent inclure des positions où l’articulation est vulnérable, incorporant une activation musculaire préparatoire et réactive dans un cadre contrôlé.

Un exemple pour un haltérophile serait de commencer par un “jerk recovery”:

 

BÂTIR UNE INTERVENTION

Plutôt que de passer par chacun des éléments indépendamment, une excellente stratégie consiste à cibler chacune des composantes à l’intérieur d’un continuum. Les séquences de Mobilisation, d’Activation et d’Intégration de la stratégie d’optimisation du mouvement sont un excellent moyen de le faire.  Vous pouvez y intégrer des éléments de proprioception, de stabilisation dynamique, de contrôle réactif et de mouvement fonctionnel dans une même intervention.

gérer l'instabilité fonctionnelle

Tous les individus ne sont pas forcément tendus et ne nécessitent pas de relâchement des tissus mous pour libérer la mobilité. L’athlète hypermobile qui présente une instabilité fonctionnelle doit développer le contrôle du mouvement et la conscience afin de pouvoir générer et maintenir sa force et sa stabilité sur toute cette amplitude excessive.

La force est tout et est nécessaire pour la résilience. Cependant, des déficits de proprioception et de contrôle neuromusculaire atténuent les gains de force dans le cas de l’athlète hypermobile. Afin de vous assurer que vos interventions soient efficaces, vous devez inclure la proprioception, le contrôle des mouvements et la conscience dans votre stratégie afin d’optimiser le potentiel de force.

L’athlète hypermobile a tendance à faire du relâchement des tissus mous, comme tout le monde dans le domaine. Bien que cela puisse sembler étrange, souvent il se sent en effet tendu et se relâcher fait du bien. Cependant, le laisser recourir uniquement à cela sans établir une structure appropriée pour améliorer les éléments cruciaux de la stabilité fonctionnelle entraînera une usure chronique et potentiellement des douleurs et des blessures.

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Mai-Linh Dovan M.Sc., CAT(C)
Thérapeute du sport agréée
Fondatrice de Rehab-U

 

 

 

 

 

 

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